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Intimité 2002

Evelyne, 41 ans. 23 octobre 2002. 20h20. Je rentre dans le bar inconnu. Je rencontre Evelyne. Elle est barman, ça fait 2 mois qu’elle a repris le bar avec son mari plus jeune qu’elle. Avant elle travaillait à l’usine, puis en tant que secrétaire. Elle faisait des ménages, gardait des enfants. Elle n’a pas d’enfant, c’est son choix, si elle en avait elle ne travaillerait pas dans un bar, m’explique t’elle.

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Je lui parle de mon projet, elle est très ouverte, accueillante, conviviale. Mais elle est au travail, derrière son comptoir, et moi je suis de l’autre coté, en position de cliente. L’échange n’aurait peut-être pas été le même si il n’y avait pas ce rapport de service et de clientèle.

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J’ai noté quelques brides de conversation entre elle et un de ses clients, âgé :

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Lui à elle : « Tiens, ton homme il récure là ! »

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« Quoi il récure ?! ben c’est normal, non ? »

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« Ah ces femmes libérées ! »

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« Oh libérée ! Je ne suis pas si libérée que ça : je suis mariée ! »

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Et puis un autre homme encore plus âgé :

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« Tiens Evelyne, écoute : Tu sais que la femme est une fleur et qu’il faut savoir la cueillir ! Mais comme elle a pas de queue il faut lui en donner une ! »

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Et les 5 personnes dans le bar rigolent. Moi je note…

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Puis elle me dit : « Oh vous savez on en entend des choses quand on travaille dans un bar ! »

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Puis s’adressant à son client habitué : « Il y a des gens qui  nous critiquent, de toute façon on s’en fout, si on commence à s’arrêter aux gens, on vit plus ! ».

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A 20h32, je la prends en photo. Elle n’est pas très à l’aise devant l’objectif mais ça ne la gène pas d’être prise en  photo par une inconnue.

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Madeleine, ma voisine, 88 ans, veuve depuis 1968. 24 octobre 2002, 19h32. Je sors de chez moi, je descends d’un étage, je sonne. Elle m’ouvre, elle est très gentille, très accueillante, très ouverte à ce que je lui  propose quand je lui parle de mon projet sur l’intimité. Madeleine habite depuis 50 ans dans cet appartement. Ça devient difficile pour elle de monter 3 étages à pied. Quand je lui demande si je peux prendre des notes, elle me propose du papier. Et quand je lui parle de la prendre en photo, elle me montre avec enthousiasme la  photo grand format encadrée que « Bevalot » a fait d’elle et qui a été exposé dans leur vitrine de la rue Moncey pendant 2 ans.

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Les informations à la télé en bruit de fond…

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« Sarkozy, il se croit le nombril du monde, il m’énerve celui-là ! C’est triste ! »

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« J’ai peur le soir toute seule. » Un soir, deux gosses de 10 ans ont mis un pied en travers de la porte du bas pour pas qu’elle se referme et pour empécher Madeleine de rentrer : « Espèce de petits salopards ! Vous en voulez à mon sac, eh ben vous l’aurez pas ! »

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« J’ai  bien peur que ce soit un hôtel de pass en face, avec toutes ces noires dans la rue. C’est triste. »

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Son mari a été mobilisé pendant la guerre de 39, « mais les gens n’avaient pas peur comme aujourd’hui. »

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« On se confie un peu, j’aime bien. » Mes résilles aux bras, c’est joli, me dit-elle. « Je peux pas vous offrir de l’alcool, je ne bois pas. » « Oh ! mes douleurs ! ça je peux vous en parler ! » Je lui parle de « Monologue du vagin » de Eve Ensler. Ça l’intéresse de le lire, je lui prêterais.  Elle me propose de rencontrer sa fille de 63 ans la semaine prochaine. Avec plaisir…

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Elle n’est absolument pas gênée par l’objectif de mon appareil photo…

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20h02, je sors de chez elle et monte un étage. Nous sommes 4 femmes à habiter seule dans l’immeuble, par choix ou non.

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